Lek & Sowat

Biographie

Lek et Sowat se rencontrent en 2010 à l’occasion d’une exposition collective organisée à la Galerie Celal, par le magazine Graffiti Art, à Paris. En parallèle de leurs pratiques respectives, cette première collaboration les mènera à développer un travail commun, évoluant vers des œuvres hybrides dans le champ de l’art urbain et de l’art contemporain, avec la formation du duo Lek & Sowat.


Partageant une passion commune pour le graffiti et l’exploration urbaine (Urbex), leur première  action d’envergure métamorphose un supermarché abandonné de 40.000m2 au nord de Paris en résidence artistique expérimentale intitulée Le Mausolée. Pendant un an, ils se retrouvent quotidiennement pour peindre à quatre mains avant de proposer, à une vingtaine de graffeurs français de la première à la dernière génération du mouvement, de les rejoindre. Leur conception de la peinture peut être comprise comme une allégorie de la musique, un « bœuf » de jazzmen aux morceaux collectifs improvisés. 


Cette infiltration est révélée en 2012 à travers un livre, un film et une exposition du même nom. Le duo est alors officiellement né, définissant les contours de ce qui deviendra leur processus créatif. Dorénavant, leurs aventures artistiques mêleront abstractions architecturales in situ, typographies déstructurées, installations éphémères et vidéos en time-lapse.
Remarqués pour cette première résidence audacieuse, Lek & Sowat sont invités en 2012 par Jean de Loisy, directeur du Palais de Tokyo, à composer les fonds de deux Poem Paintings de l’artiste américain John Giorno, figure importante de la Beat Generation. 


Suite à cette collaboration fructueuse, le tandem occupe le centre d’art parisien de décembre 2012 à juin 2014. Dans la poursuite du travail curatorial entamé avec le Mausolée et accompagnés du commissaire d’exposition Hugo Vitrani, ils s’infiltrent dans les entrailles du bâtiment en y conviant – officiellement et officieusement – une cinquantaine de protagonistes de la scène du graffiti française et internationale. 
Leurs deux expositions collectives - Dans les Entrailles du Palais Secret en 2012 puis Terrains Vagues en 2013 - sont pensées comme un cheval de Troie. Si le public peut visiter les parois d’une issue de secours investie par les artistes et leurs convives, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, un prétexte pour envahir secrètement pendant deux ans le reste de l’édifice. Soucieux de présenter la pratique du graffiti en institution, dimension transgressive incluse, ces interventions cachées seront présentées à travers trois films :


Vandalisme Invisible divulgue une suite d’actions plastiques, poétiques et éphémères dans les espaces périphériques du centre d’art. 


Tracés Directs, révèle en plan fixe une vingtaine de peintres qui créent et effacent leurs compositions dans un même mouvement, sur un tableau noir d’écolier. Cette œuvre (film et tableau) sera la première à entrer dans la collection publique du centre Pompidou en 2014.


Underground Doesn't Exist Anymore, dévoile Lek et Sowat entourés de Futura 2000 et Mode2, travaillant clandestinement dans les couloirs labyrinthiques d’un conduit d’aération situé sous le Palais de Tokyo.


Cherchant toujours à dépasser leur zone de confort, le duo se présente en 2015 au concours d’entrée de l’Académie de France à Rome. Lauréats de l’épreuve, ils deviennent les premiers artistes issus du graffiti à être pensionnaires de la Villa Médicis. Logés dans l’ancien atelier d’Ingres, les deux autodidactes profitent de cette année en Italie pour produire pour la première fois une série de toiles à quatre mains, inspirées par les marbres observés à Rome. Parallèlement, ils s’initient à la sculpture en détournant des rails de placo pour créer de nouvelles formes architecturales et abstraites. Durant cette année, ils arpentent l’Italie et accomplissent de nombreux projets, qu’ils restituent dans le film Sonata.


Ils sont sollicités ensuite en 2018 par le Centre des Monuments Nationaux pour intervenir dans la tour Saint Nicolas de la Rochelle, avant de plonger dans les sous sols parisiens. En 2019, grâce à une rencontre avec le groupe de btp NGE et l’association Xpo Fmr, ils concrétisent un de leur rêve d’adolescent : peindre un tunnelier, machine rotative de 10 mètres de haut pour 100 mètres de long, servant à creuser les tunnels du métro. Cette aventure les conduit d’abord en Allemagne où ils peignent le bouclier du tunnelier, complété par un lettrage Subway Art dessiné par leurs soins, dans les usines d’Herrenknecht. 
De retour en France, lors du chantier de prolongement de la ligne 14, ils sont autorisés à peindre également les tympans d’entrée et de sortie du tunnelier à 30m de profondeur, qui seront détruits lors de l’ultime étape de percement en juillet 2020 appelée Breakthrough, à laquelle il leur est permis d’assister.


À l’été 2019, une commande au long cours synthétise leur questionnement sur l’institutionnalisation des arts urbains. À l’initiative du Centre Pompidou, Lek & Sowat élaborent une installation monumentale au pied du musée, déployant leurs typographies sur plus de 280 mètres le long des palissades de chantier protégeant l’entrée temporaire du centre. Intitulée J’aurais voulu être un artiste, cette œuvre reprend à l’aérosol les normes d’un cartel muséal. Conscients que le mobilier urbain attire les graffitis, les deux complices conçoivent ce dispositif sécuritaire comme un gigantesque palimpseste urbain, présenté dans le film éponyme. 


Quelques mois plus tard, une autre forme de vandalisme intervient, non anticipée cette fois-ci. En marge de l’acte 59 des gilets jaunes, leurs palissades sont arrachées et malmenées, servant de bouclier et de feu de barricades pendant la manifestation. Témoins du démantèlement de leur travail via les réseaux sociaux, ils décident de revenir sur cette journée particulière en réalisant en 2023 le film Hope.


Décrochées fin décembre 2021, les parties métalliques et vandalisées du dispositif sont récupérées par les deux artistes qui les retravaillent, poncent et rehaussent certaines d’entre elles, tandis que d’autres sont découpées pour servir de coffrage à l’ouvrage d’artiste All Colors Are Beautiful, publié en 2023 par les éditions Julien Martial. En 2024, le film, le livre et une série de douze plaques intitulées Nemo Auditur Propriam turpitudinem allegans (Nul n’est censé invoquer sa propre turpitude) sont acquises par le centre Pompidou et intègrent les collections publiques du Musée national d’art moderne et contemporain.


Reconnus à l’international, ils multiplient les résidences à l’étranger depuis le début de leur aventure en binôme, de l’Asie (2015, 2017) au Moyen Orient (2013, 2018) en passant par l’Amérique latine (2024), naviguant des friches industrielles aux plus hautes institutions muséales. Le travail à long terme, l’effacement et le recouvrement sont au cœur de leur esthétique. L’œuvre terminée n’est qu’une étape, sorte de métonymie du processus créatif et du chemin parcouru. Les motifs architecturaux, les matériaux et l’érosion du temps sont autant une source d’inspiration que les interactions avec les gens qu’ils rencontrent. 


Récemment Lek & Sowat ont approfondi leur pratique de la peinture sur verre, s’illustrant en 2022 sur la façade de l’Opéra de Lyon, en 2023 sur les courbes du centre Pierresvives conçu par l’architecte Zaha Hadid à Montpellier ou encore sur les vitres du Mémorial de Verdun, dans le cadre du passage de la flamme olympique en juin 2024. Les ombres portées de ces vitraux éphémères tracent des signes transitoires, métaphore de la fulgurance du temps, sans cesse renouvelées sur les murs et le sol de ces édifices hors normes.

Source : Thomazine Zoler 2024


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