Témoignages
"Les arts urbains, comme toutes les créations des sous-cultures ou des contre-cultures, souffrent en France d'un déficit d'attention de la part des institutions publiques et de l'histoire de l'art officielle (que, d'une certaine manière, je représente). C'est là le résultat de préjugés bien ancrés et particulièrement dommageables car ils constituent aujourd'hui une part essentielle des pratiques artistiques, dans notre pays comme internationalement. Il ne s'agit pas seulement de la nécessité de connaître l'histoire de ces arts en soi, ce qui est déjà une nécessité. Mais comment peut-on penser correctement, par exemple, une histoire de l'art abstrait ou une histoire des pratiques artistiques intégrant les dimensions scripturales, sans les prendre en compte ?
Le projet du centre ARCANES revêt dans ce contexte une importance majeure. Il est en effet urgent de pouvoir conserver les traces des actions menées dans l'espace urbain par certains des artistes les plus importants des dernières décennies. Si leurs pratiques se caractérisent dès le départ par leur aspect éphémère ou, à tout le moins, non durable dans leur présence concrète, elles s'accompagnent presque toujours d'un ensemble de documentations - photographies, films, etc - qui sont le seul moyen d'en garder la trace, d'en faire l'histoire et l'exégèse, bref de les faire rentrer à terme dans une histoire de l'art à laquelle elles n'aspirent pas toujours, voire même qu'elles rejettent, mais où leur absence est particulièrement problématique. Il ne faut pas qu'elles le restent et le travail mené par les spécialistes que sont les organisateurs de la Fédération de l'art urbain est capital.
Ayant la charge d'archives de l'histoire de l'art (d'artistes, de collectionneurs, d'acteurs du monde de l'art, d'historiens de l'art, de critique), conservées à Paris à la Bibliothèque de l'Institut national d'histoire de l'art et à Rennes aux Archives de la critique d'art, je peux témoigner du sérieux et du professionnalisme avec lequel les ressources numériques de l'art urbain sont ici traitées : ce sera, n'en doutons pas, un outil majeur pour les historiens de l'art, aujourd'hui et demain."
Éric de Chassey, Directeur général de l'Institut national d'histoire de l'art et professeur d'histoire de l'art à l'École normale supérieure de Lyon.
"Un centre national des ressources numériques de l'art urbain serait un bienfait pour cet art éphémère. Utile et nécessaire pour les générations futures qui n'auront pas pu avoir accès à cet art réalisé directement dans la rue. Cet art illégal n'a qu'une courte durée de vie. Les photos et les films sont les seuls témoignages de toutes ces œuvres créées et par la suite disparues. Le mouvement de l'art urbain est le mouvement artistique majeur de la fin du XXe siècle et du début du XXIe, présent dans tous les pays du monde. C'est un devoir de le sauver et de l'archiver via un centre de ressources."
Xavier Prou alias Blek le Rat, pochoiriste et pionnier de l'art urbain en France.
"Comme la performance en art contemporain, les œuvres d’art urbain ont un temps d’existence limité, et il n’en reste dans la plupart des cas que des témoignages photographiques, vidéographiques ou filmiques. Souvent anticipées par les protagonistes eux-mêmes, ces captations relèvent de supports soumis à un processus inéluctable de dégradation et à l’obsolescence.
Quel artiste aujourd’hui peut se donner les moyens de conserver et d’actualiser ces supports ? L’urgence est dans un premier temps d’éviter la disparition du contenu de ces archives, avant de contribuer à les préserver physiquement.
A ce titre, une initiative telle celle du centre ARCANES, qui s’appuie sur des spécialistes incontestables de ce champ spécifique de l’art, a défini les contours d’une mission inestimable pour la connaissance, la diffusion et la sauvegarde d’un patrimoine sans précédent, dont nous, professionnels de l’art, avons la responsabilité d’encourager la prise en charge dès à présent, avant qu’il ne soit trop tard."
Sophie Duplaix, Conservatrice en chef des collections contemporaines au Musée national d'art moderne, Centre Pompidou.
"En ce qui nous concerne, le terme « archives » n’est peut être pas le plus pertinent, tant elles tiennent une place centrale dans notre travail. Plus que de documenter ce que nous faisons, les photos et vidéos que nous produisons sont une extension de nos œuvres, des fragments arrachés In Situ pour les préserver de l’oubli. Dans bien des cas, ce sont seulement ces "archives" que les spectateurs sont amenés à voir. C’est pour cela que l’existence d’un centre de ressources numériques de l’art urbain comme ARCANES, nous parait vital, essentiel, nécessaire pour ne pas dire urgent."
Lek & Sowat, artistes urbains contemporains, anciens pensionnaires de la Villa Médicis.
"Il n’est pas courant pour un historien d’art de voir un champ de recherches nouveau se structurer sous ses yeux" avais-je pu écrire dans l’introduction à la publication des Actes du colloque Oxymores III (13-14 octobre 2016) organisé à la Grande Halle de la Villette conjointement par Dominique Aris, pour la Direction générale de le création artistique et du ministère de la Culture, et moi-même, pour l’Université Paris Nanterre. "Il est nécessaire de constituer les archives publiques de l’art urbain" ajoutais-je alors.
Aujourd’hui, à la suite de l’Étude nationale sur l’art urbain réalisée par le M.U.R. en 2019, la Fédération de l’Art Urbain a relevé le défi. Qui mieux qu’elle, qui regroupe artistes et chercheurs, acteurs et observateurs de cet art qui questionne le monde contemporain, pouvait l’entreprendre ?
Nicolas Gzeley et Laurent Sanchez ont déjà élaboré avec la plus grande rigueur une capsule de démonstration qui préfigure sous les meilleurs auspices le centre ARCANES qui sera à la fois une archive et un lieu de recherches et de débats. Grâce à cette initiative, le domaine de l’art urbain sera doté d’une véritable mémoire vivante.
Aujourd’hui où tant de jeunes historiens de l’art étudient l’art urbain dans nos universités, nos centres de recherches et ailleurs, un centre de ressources national est nécessaire pour rassembler les sources existantes, assurer la veille sur la création actuelle et constituer les bases d’une histoire plurielle de la scène urbaine française, une des plus riches et des plus actives.
C’est pourquoi en tant qu’historien de l’art et professeur des universités, ayant déjà collaboré avec les porteurs de ce projet ambitieux et fécond, je témoigne de la qualité du travail qu’ils ont accompli avec professionnalisme et la passion de l’intérêt public."
Thierry Dufrêne, Professeur d’histoire de l’art contemporain, Université Paris Nanterre, responsable du Master d’histoire de l’art. Ancien secrétaire scientifique du Comité international d’histoire de l’art (CIHA).
"Je suis très heureuse d'avoir découvert le centre ARCANES. Ce centre sera un lieu de ressource essentiel (d'archivage et d'indexation) pour les chercheurs qui pourront ainsi dépasser les stéréotypes sur les écritures urbaines et s'ouvrir les yeux sur des corpus inconnus en sollicitant des experts de ces écritures (artistes, graffeurs, responsables de structures associatives...). Merci beaucoup de votre appui."
Anne Beyaert-Geslin, Professeur des universités, Université Bordeaux-Montaigne.
"Collecter, c'est garder la mémoire. La méthode, bien connue des services d'archives ou des musées de société depuis les années 1970, a fait ses preuves avec la collecte du patrimoine matériel et immatériel du XXe siècle, reflet d'une société en pleine mutation.
L'art urbain est éphémère par définition : confronté aux aléas du temps, à des milieux peu compatibles à sa conservation, aux recouvrements d'autres artistes, il est voué à disparaître.
Alors faut-il en préserver la mémoire ? La réponse n'est pas tant le oui définitif que m'inspire cette question. Car il y a derrière ces graffitis, tags, blazes, décors, lettrages divers... un langage, souvent codé. Les murs ou autres supports sont des récits, voire des manifestes, propres à leurs auteurs qui se succèdent maintenant sur deux ou trois générations. Ces empreintes de notre temps doivent être conservées, étudiées, diffusées... Et seul un corpus à la méthodologie rigoureuse, objective et raisonnée constituera, à n'en pas douter, le terreau fertile pour écrire une histoire de l'art urbain."
Françoise Berretrot, Conservatrice et directrice du service des Musées et du Patrimoine de la ville de Vannes.
"Plongé depuis quatre ans dans la recherche sur l'art urbain, je me heurte à un déficit d'informations pourtant basiques sur les œuvres que je découvre au gré de mes pérégrinations sur le web. Au-delà des auteurs et du titre de leurs œuvres pas correctement mentionnés, il manque presque toujours les dates de réalisation, voire les lieux. Quant aux techniques, elles ne sont jamais précisées. Il est urgent de rationaliser ces informations avec des légendes comportant les informations basiques: qui, quoi, quand, où, comment / auteur, titre, date, lieu, technique.
A cette condition, nous pourrons travailler avec les outils objectifs et fiables de la recherche scientifique et faire entrer l'art urbain dans l'histoire de l'art."
Cyrille Gouyette, Historien de l'art, chargé de mission au Musée du Louvre.
"J’ai eu le grand plaisir de rencontrer dernièrement Nicolas Gzeley et Laurent Sanchez qui m’ont exposé leur projet du centre ARCANES avec le soutien de la Fédération de l’Art Urbain. Ayant commencé moi-même dès 1985 des recherches académiques sur les œuvres urbaines, les interventions de rue, sur ces productions protéiformes et multi-supports désignées comme graffiti, street art, art urbain, je mesure la nécessité d’un tel centre de ressources, et à quel point il n’est que temps de le voir apparaître.
En effet, en tant que chercheur sur ce domaine encore ignoré des instances de recherche en France (malgré quelques effets de mode ou des communications opportunistes), je vois à quel point nous manquons encore d’archives photographiques, graphiques, textuelles proprement numérisées, dûment recensées et répertoriées, et ce d’autant plus que bien des productions ou interventions se donnent comme éphémères.
Ayant initialement attiré l’attention des sociologues ou des psychologues, lesquels se focalisaient - à tort ou à raison - sur les attendus et les modes d’expression d’une jeunesse turbulente, l’art urbain est dorénavant compris comme un phénomène culturel global qui a changé et modifie encore notre appréhension de la ville, notre perception de l’espace et du temps communs, notre sens de l’urbanité (au double sens de l’urbanisme et de la sociabilité). Il a fait évoluer nos goûts et nos critères esthétiques. Il s’est introduit dans tous les champs de l’activité humaine, dans tous nos domaines et nos vecteurs de représentation.
Entré dans l’histoire de l’art et dans les études culturelles, admis dans les économies urbaines (par la commande publique, par exemple), l’art urbain est produit et étudié à New York comme à Bruxelles, à Melbourne comme Sao Paulo, à Jérusalem comme au Caire. Il y a même une « école française » de l’art urbain, avec de grandes figures reconnues internationalement, qui œuvrent depuis près de cinquante ans. Les audaces des artistes précurseurs se sont accompagnées de tout un ensemble de documents précieux pour leur bonne intelligence : carnets de croquis, matrices de pochoirs, photographies, fanzines, catalogues, affiches, etc. Ce centre de ressources permettra de les consulter et étudier dans le strict respect des attendus académiques internationaux.
Il est grand temps que la France se dote d’un outil de recherches propre à motiver et aider les jeunes chercheurs, d’un centre à la hauteur de ses artistes pour qu’une mémoire raisonnée puisse éclairer les générations futures et les servir dans la compréhension de leurs antécédents."
Christophe Genin, Professeur de philosophie de l'art et de la culture, professeur délégué aux thèses SHS, Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
A cette condition, nous pourrons travailler avec les outils objectifs et fiables de la recherche scientifique et faire entrer l'art urbain dans l'histoire de l'art."
Cyrille Gouyette, Historien de l'art, chargé de mission au Musée du Louvre.
"J’ai eu le grand plaisir de rencontrer dernièrement Nicolas Gzeley et Laurent Sanchez qui m’ont exposé leur projet du centre ARCANES avec le soutien de la Fédération de l’Art Urbain. Ayant commencé moi-même dès 1985 des recherches académiques sur les œuvres urbaines, les interventions de rue, sur ces productions protéiformes et multi-supports désignées comme graffiti, street art, art urbain, je mesure la nécessité d’un tel centre de ressources, et à quel point il n’est que temps de le voir apparaître.
En effet, en tant que chercheur sur ce domaine encore ignoré des instances de recherche en France (malgré quelques effets de mode ou des communications opportunistes), je vois à quel point nous manquons encore d’archives photographiques, graphiques, textuelles proprement numérisées, dûment recensées et répertoriées, et ce d’autant plus que bien des productions ou interventions se donnent comme éphémères.
Ayant initialement attiré l’attention des sociologues ou des psychologues, lesquels se focalisaient - à tort ou à raison - sur les attendus et les modes d’expression d’une jeunesse turbulente, l’art urbain est dorénavant compris comme un phénomène culturel global qui a changé et modifie encore notre appréhension de la ville, notre perception de l’espace et du temps communs, notre sens de l’urbanité (au double sens de l’urbanisme et de la sociabilité). Il a fait évoluer nos goûts et nos critères esthétiques. Il s’est introduit dans tous les champs de l’activité humaine, dans tous nos domaines et nos vecteurs de représentation.
Entré dans l’histoire de l’art et dans les études culturelles, admis dans les économies urbaines (par la commande publique, par exemple), l’art urbain est produit et étudié à New York comme à Bruxelles, à Melbourne comme Sao Paulo, à Jérusalem comme au Caire. Il y a même une « école française » de l’art urbain, avec de grandes figures reconnues internationalement, qui œuvrent depuis près de cinquante ans. Les audaces des artistes précurseurs se sont accompagnées de tout un ensemble de documents précieux pour leur bonne intelligence : carnets de croquis, matrices de pochoirs, photographies, fanzines, catalogues, affiches, etc. Ce centre de ressources permettra de les consulter et étudier dans le strict respect des attendus académiques internationaux.
Il est grand temps que la France se dote d’un outil de recherches propre à motiver et aider les jeunes chercheurs, d’un centre à la hauteur de ses artistes pour qu’une mémoire raisonnée puisse éclairer les générations futures et les servir dans la compréhension de leurs antécédents."
Christophe Genin, Professeur de philosophie de l'art et de la culture, professeur délégué aux thèses SHS, Paris 1 Panthéon-Sorbonne.