Analyse(s) :
Ce dessin, improvisé sur place, est constitué de multiples éléments symboliques assemblés entre eux selon une narration imaginée par Roti, réalisé au marqueur rose à pointe métallique de type Krink K-12. L’ensemble est réalisé dans un style proche de la gravure, à une période durant laquelle Roti gravait de petits dessins sur les murs et sols de Paris.
A travers cette représentation, Roti évoque les codes, les rituels, la transmission du savoir et le travail manuel qu’il a connus chez les Compagnons du Devoir.
«La lecture de ce dessin commence par le bas avec un bateau symbolisant la manufacture, l’avancée technologique et la domination de l’homme sur la nature. De façon oxymorique, on peut voir que le bateau est rempli d’eau.
A l’intérieur de celui-ci se trouve un cube composé de différentes matières puisqu’il se liquéfie à droite tandis qu’il se fissure et s’effrite à gauche, illustrant ainsi la dualité entre les matières. Le cube symbolise à la fois le minéral et l’intemporalité. Dans l’univers de la taille de pierre, le cube est la première structure géométrique que l’humain ait utilisée à bon escient. Par empilement, elle facilite son transport et la construction d’édifices. De plus, un cube s’inscrit dans une sphère, tout comme il faut partir d’une sphère pour tailler un cube. C’est le premier exercice d’un tailleur de pierre. De par les différentes matières que je lui ai attribué, je considère ce cube comme un organisme vivant.
Sur la face avant de ce cube se trouvent deux fenêtres et une porte, comme une ouverture sur soi-même, au travers desquelles on distingue une bouche dans une symbolique stellaire. J’illustre ici le rapport au silence, à l’état méditatif, au bien être durant le labeur et aux paliers spirituels que l’on connait durant la taille d’une pierre, sachant qu’il faut près de six mois de travail afin d’obtenir un cube parfait.
Du sommet de ce cube s’échappe une main, en référence aux trois points maçonniques : l’esprit, la main et le cœur. La main construit la liberté, elle éveille les sens, développe et génère une intelligence, une sorte de premier éveil.
L’œil au centre de la main fait écho à la bouche dans le cube, il se trouve sur le même plan et illustre ce que le premier éveil a permis d’obtenir : la main développe le regard. Ici, il s’agit d’un œil triste d’où s’échappent des larmes, en référence à la béatitude à la fois douloureuse et mélancolique que l’on peut ressentir face au monde. Ces larmes se transforment en sphères, selon le principe physique d’un volume s’inscrivant systématiquement dans une sphère lorsqu’il se déplace dans l’espace.
Le symbole à droite de l’avant-bras est la rune viking TYR, qui symbolise le dieu de la guerre et son pouvoir protecteur. Au-dessus, le symbole en forme de cœur représente la paix, la conscience universelle. Il s’agit d’un triangle équilatéral inscrit dans un cercle, lui-même inscrit dans un cœur.
Depuis l’œil se trouvant dans la main, on distingue un triangle équilatéral inversé, symbole païen et clin d’œil aux trois points. L’angle supérieur gauche symbolise l’énergie lunaire et son rapport à l’eau, en opposition au feu représenté à l’angle supérieur droit. Au centre, un quatrième sens humain, le sens olfactif, est représenté par un nez.
Enfin, tout en haut, une clef relie un losange non tracé. L’œil de la clef n’est pas supérieur mais répond à celui dans la main. Tous deux se trouvent au second plan et dévoilent un champ de vision jusqu’au au premier plan où se trouvent la lune et le feu.
Ce dessin est signé au centre à gauche par ma marque de tâcheron à laquelle j’ai ajouté un A pour Amir puisqu’il s’agit d’une période durant laquelle je commençais à mieux assumer mes origines. Si mon prénom est Pierre-Amir, je me suis longtemps fait appeler Pierre à cause d’une pression sociale et d’un racisme latent dans la société française comme dans ma propre famille.»
Source : Entretien avec Roti réalisé par Nicolas Gzeley le 15 mai 2021
Note(s) :
Cette intervention fut laissée telle quelle après avoir été créée.