Graffeur français né en 1975, Miguel (Obsek) grandit à Besançon aux côtés de ses deux frères cadets. Son père est professeur d’université et sa mère est enseignante. Tous deux sont sensibles aux arts et leurs sorties familiales passent régulièrement par les musées et les salles d’exposition. Enfant, il est encouragé à dessiner. Vers ses dix ans, ses parents se séparent. Après avoir dirigé le Centre de Linguistique Appliquée à Besançon, son père trouve un emploi au Brésil où, entre autres missions, il travaille pour l’Ambassade de France. Miguel part avec lui tandis que sa mère et ses deux frères emménagent dans la région montpelliéraine.
Ainsi, c’est au Brésil que Miguel remarque les tags dont on lui explique alors qu’ils sont liés à des rites vaudous. Il en intègre le caractère magique. Après deux années en Amérique du Sud, il retrouve sa mère pour s’installer dans un appartement de la Paillade, un quartier populaire de Montpellier. Son frère cadet, acoquiné avec un tagueur signant Eza, lui emprunte les lettres de son nom et tague Zea. Ce frère turbulent, admirant le coup de crayon de son aîné, l’incite à se lancer dans le jeu. Au terrain de basket situé en bas de leur bâtiment, Miguel lie une amitié éphémère avec une bande qui l’initie au graffiti. Sur le mur qu’elle s’est attribué, il touche pour la première fois des bombes de peinture et peint un personnage aux côtés des lettrages de ses compagnons.
Adolescent, Miguel est fasciné par les films d’horreur. En référence au soleil anthropomorphe du jeu vidéo Warhammer, il choisit comme pseudonyme BSK pour Bloody Sun Killer. Dissuadé d’utiliser un acronyme comme signature, selon la règle qui les réserve à nommer des groupes, il en conserve les lettres ainsi que la référence horrifiante et signe désormais Obsek. Les premiers personnages qu’il peint sont remarqués par les graffeurs du groupe 100GN (Sans Gène), bien établis dans la ville, qui viennent rapidement à sa rencontre et lui font découvrir les ouvrages de référence sur le graffiti Subway Art et Spraycan Art. Dans un terrain vague de l’avenue Georges Clémenceau et sur les quai du Verdanson, l’équipe compose des fresques conformes aux codes du graffiti-writing (lettrages, fond, personnages, tags).
Miguel poursuit sa scolarité à Nîmes dans les arts appliqués. Sur le trajet entre Montpellier et Nîmes, il voit les graffitis visibles au bord des voies ferrées et commence à y peindre. Le livre Paris Tonkar publié en 1991 a une influence considérable sur ses pièces. Les pages dédiées à Bando, les personnages de Numéro 6 et de Popay le marquent particulièrement. Sade l’intronise dans le groupe ODM (On Défonce Montpellier), Astik dans les LCF (Le Cercle Fermé ou Le Crime Facile) avec Nast et Hant (futur Reso). Le rap émerge et l’actualité du hip hop est relayée via le magazine 1Tox. Les bombes de peinture se volent dans les rayons des magasins de bricolage. Entre Montpellier, Sète, Nîmes et Béziers, Obsek peint des graffitis sur murs, parfois sur trains. Il commence à photographier les pièces de ses pairs et échange parfois ses clichés avec d’autres graffeurs.
Avec le retour de son père à Besançon au milieu des années 1990, Miguel revient en Franche-Comté et rejoint le lycée Jacques Duhamel en internat à Dole. La rupture avec Montpellier est telle qu’il peine à s’intégrer. Ses activités picturales sont limitées. Le weekend, il découvre les intérêts de la capitale comtoise. La scène hip hop y est animée par de nombreux tagueurs. Desh se démarque par la qualité de ses graffitis. Également rappeur dans le groupe Artistes Réalistes, il se produit aux côtés de Mc Solaar, IAM ou NTM. Les parcours artistiques proposés au lycée Louis Pasteur attirent des graffeurs comme Acyer de Strasbourg, ou Akroe de Lons-le-Saunier. En ville et au bord des voies ferrées, dès 1995, Obsek peint des chromes, quelques-uns avec Paner de Paris. Obsek complète ses études par une année à La Chaux-de-Fond en Suisse. Il y rencontre Tenko avec qui il noue une amitié solide et découvre les fresques des graffeurs les plus influents d’Europe comme Dare, Dream, Swet ou CanTwo.
Un soir de 1996, sous le pont Battant à Besançon, Obsek fait la connaissance de Flip. Leur connivence est immédiate et, à la fin de l’année, après s’être choisi des pseudonymes rapides à peindre (Pig pour Obsek et Put pour Flip), ils assurent une mission dans le passage souterrain menant à la gare de Besançon Viotte en compagnie de Desh. Le trio peint des block-letters chromes au fat cap qui marquent la naissance de l’équipe FC. Le groupe draine des dizaines de passionnés de hip hop, graffeurs, rappeurs et autres lascars. Régulièrement, les soirées hip hop dégénèrent. Le principal fournisseur de peinture du groupe est le magasin Norauto de la ZAC Châteaufarine, avec les bombes de la marque Auto K. Obsek réalise également des décorations dans des commerces, ce qui lui permet de commander des bombes de la marque True Colorz, chez All City à Paris, qu’il utilise également dans des œuvres personnelles. Lorsque Sir indique aux FC l’existence de l’usine désaffectée Supérior dans le quartier Saint-Claude, le groupe y prend immédiatement ses marques. Contrairement à la friche de la Rhodiaceta aux Prés-de-Vaux, le site n’est pas surveillé, d’accès facile et de larges murs sont à l’abri des intempéries. Aux côtés des FC, le Mutants Clan (MC) d’Akroe, Nino, Kaki, Zen et les SF (Sensi Family) avec Booboo et Moka, viennent y peindre.
Fidèle en amitié, Obsek continue à fréquenter ses équipiers du Sud de la France. Il invite Sade, Deko ou Vania à Besançon et les revoit à Montpellier pendant les vacances. Les magazines Graff It et Radikal publient alors quelques-unes de leurs œuvres communes. L’été, il participe au festival Artitude et photographie les graffitis des participants venus de toute la France et de l’étranger. Il continue à nouer des contacts, notamment avec le bordelais Pum ou les parisiens Kesy et Honet. Bien qu’elles soient riches en termes de production graffiti, les dernières années de la décennie 1990 sont également compliquées pour Obsek qui fait face à divers problèmes familiaux, amicaux et amoureux.
Put, devenu Sent, vit désormais à Paris. Par l’intermédiaire des FMK (Faut que Mamie Krève), il apprend l’existence des FC de New York et d’un Sento. Il devient alors Pute et adopte le style FMK tandis que les FC deviennent CF. Obsek fréquente Gorey, Decap et O’Clock qui rejoindront les CF, tandis qu’il intègre les C4 qui viennent de se former dans le Sud de la France. En 1998, après son service militaire, Obsek s’engage dans l’armée. Dans son régiment, il revoit un graffeur rencontré à la friche Supérior et qui peignait sous le nom d’Iwok. Ce dernier adopte le nom d’Oyster et, au tournant des années 2000, Obsek et lui se détachent des normes parisiennes classiques du lettrage pour suivre les innovations graphiques du nouveau millénaire. Les apports artistiques de Sonik, June et de Mir des C4 sont cruciaux. Techniquement, l’arrivée de la bombe espagnole Montana Hardcore est déterminante. Dech, à l’origine des C4, en est l’un des premiers importateurs au travers de son magasin Coma Sound Kartel.
Endetté pour des tags réalisés dans sa jeunesse et désormais militaire, hors de question pour Oyster de se retrouver devant un tribunal. Néanmoins, l’implantation d’une section C4 à Besançon est remarquée. Ils peignent des block-letters en chrome et noir au bord des axes routiers et ferroviaires avec des précautions dignes de leur expérience de l’armée. Les murs des terrasses de l’ancienne usine textile Rhodiaceta, face à la route et à la voie ferrée menant en Suisse, sont propices à la réalisation de leurs fresques les plus abouties. Les années 2000 sont marquées par de nombreuses interpellations débouchant sur le procès de Versailles. Les groupes d’Obsek sont touchés. Moins impliqué que certains dans l’illégalité, il n’est pas inculpé mais assiste de près à la répression du graffiti hexagonal.
Au terme de sept ans d’engagement militaire, Obsek retourne à la vie civile. En 2008, son goût pour l’aventure le conduit à Hong-Kong où il fonde une famille et exerce des activités de marketing, de graphisme, de design, de packaging pour l’industrie du luxe. Approchant la cinquantaine, le graffiti reste une composante essentielle de sa vie. Il continue à peindre, les weekends, dans des terrains vagues. Occasionnellement, sa connaissance du système de surveillance de la ville lui sert à guider des writers occidentaux dans leurs missions picturales sur le métro local. Attaché à la dimension underground du graffiti, ayant grandi dans un contexte où cet art fut dénigré et réprimé, il ne met pas en avant cette facette de son identité, ni dans son travail, ni quand il enseigne dans des écoles d’art. De même, dans sa profession, nul ne sait qu’il est daltonien.
Source : Nicolas Mensch 2023