Denys Riout, historien de l’art moderne et contemporain, est l'auteur de nombreux articles et ouvrages, parmi lesquels Le livre du graffiti (Paris, Alternatives, 1985), Yves Klein, l’aventure monochrome (Paris, Gallimard, Coll. Découvertes, 2006), La peinture monochrome. Histoire et archéologie d’un genre (édition revue et augmentée, Paris, Gallimard, Coll. Folio Essais, 2006) et Qu’est-ce que l’art moderne ? (Paris, Gallimard, Coll. Folio Essais, 2000, rééd. 2009).
Après un début de carrière d’enseignant dans des collèges, puis à l’Ecole normale d’instituteurs de la Seine-Saint-Denis, Denys Riout soutient une thèse de doctorat de 3e cycle en 1981 à Paris 1 sous la direction de René Passeron, directeur de recherche au CNRS. Intitulée Peindre et répéter, elle porte sur la répétition dans l’art du vingtième siècle. Il soutient ensuite un doctorat d’Etat portant sur la peinture monochrome, où il faut voir la genèse de ses futurs travaux. Cette thèse lui permet d’obtenir un poste de professeur d’histoire de l’art moderne et contemporain à l’université Paris1 Panthéon-Sorbonne.
Né pendant la 2e guerre mondiale, Denys Riout est marqué pendant sa jeunesse par les affiches de la Révolution russe, puis par les slogans et graffitis qui accompagnent mai 68. Dans le sillage de l’événement, il confonde avec le poète André Sala et la philosophe Barbara Cassin une revue de poésie intitulée Un poème. Son ambition : paraître “partout où elle peut”. Avec l’accord de J.C. DECAUX et le soutien de la Ville de Saint-Denis, “Un poème” diffuse ainsi des textes poétiques sous forme d’affiches dans des abribus. Suivent des collaborations avec d’autres villes de la région parisienne, pour lesquelles Denys Riout et ses amis réalisent des affichages mais aussi des cartes postales vendues sur les marchés.
Cette expérience sensibilise l’historien de l’art à l’espace public, tout comme son intérêt pour l’agit-prop et la lecture, dans la première moitié des années 1970, des premiers articles et ouvrages sur le graffiti new-yorkais. Au début des années 1980, il découvre aussi à la station de métro Saint-Placide un ensemble d’affiches publicitaires repeintes et signées COSTA. L'œuvre agit sur lui comme un révélateur : elle suscite le désir de consacrer un ouvrage aux graffitis placés dans l’espace urbain et de les situer dans une histoire longue. En 1984, Denys Riout lance dans le journal Libération un appel dans ce sens et entre en contact avec une scène créative en émergence. Alors qu’il est en pleine recherche, il rencontre Gérard Aimé, fondateur des éditions Alternatives. Celui-ci lui apprend que deux photographes, Dominique Gurdjian et Jean-Pierre Leroux, travaillent également sur le sujet, et l’invite à co-signer l’ouvrage avec eux. Le fruit de leur travail commun s’intitule Le livre du graffiti et paraît en 1985. C’est aussitôt un succès médiatique et public. Dans son sillage, Denys Riout participe à un ouvrage collectif sur l'œuvre de Daniel Bau Geste, La fille aux cheveux bleus (Paris, Alternatives, coll. 9e art, 1986) et signe avec Jean-Marie Gibbal les textes de Chez Bonne idée, images du petit commerce en Afrique de l’Ouest du photographe Jean-Marie Lerat (Paris, Alternatives, 1990). Pour l’auteur, il n’est pas question pour autant de devenir spécialiste de l’art urbain : non seulement il souhaite explorer d’autres champs esthétiques, mais le graffiti d’inspiration américaine, qui commence à se diffuser en France et concentre l’attention des médias, l’intéresse assez peu.
À l’invitation de Gérard Aimé, il lance aussi chez Alternatives la collection Zigzags, dédiée à l’Histoire de l’art. Trois titres sont publiés avant son interruption. Parmi eux, Les arts incohérents de Catherine Charpin en 1990 connaît un relatif succès et donne lieu à une exposition en 1992 au Musée d’Orsay. Sa publication résulte d’un intérêt ancien de Denys Riout pour les Incohérents, et tout particulièrement pour les monochromes d'Alphonse Allais, que l'historien de l’art évoquera dans La peinture monochrome. Histoire et archéologie d’un genre (Paris, éditions Jacqueline Chambon, coll. Rayon art, 1996 pour la première édition). Dès le début des années 1980, ses recherches sur la peinture monochrome l’ont aussi porté aussi à s’intéresser à Yves Klein. Il consacrera plusieurs ouvrages à l’artiste français : Yves Klein, manifester l’immatériel (Paris, Gallimard, coll. Art et artistes, 2004), Yves Klein, l’aventure monochrome (Paris, Gallimard, coll. Découvertes, 2006), Yves Klein Japon (avec Terhi Genévrier-Tausti, Paris, éditions Dilecta, 2020) et Yves Klein intime (avec Catherine Francblin et Didier Semin, Paris, éditions In Fine, 2022).
Son refus de s’enfermer dans une spécialité le conduit également à écrire sur l’art moderne (Qu’est-ce que l’art moderne ?, Paris, Gallimard, Coll. Folio Essais, 2000, rééd. 2009), Constantin Brancusi (Constantin Brancusi, L’hélice et l’oiseau, Paris, Nouvelles éditions Scala, coll. L’Atelier imaginaire, 2012) ou encore les œuvres invisibles (Portes closes et oeuvres invisibles, Paris, Gallimard, coll. Art et artistes, 2019).
Malgré la diversité des recherches et centres d’intérêt de Denys Riout, son travail porte sur la relation complexe que les cultures monothéistes entretiennent avec l’image, de l’iconoclasme au monochrome, cette “peinture sans image” selon ses termes.
Source : Stéphanie Lemoine 2024